Un Goya sous le tapir ?

Il ne se passe pas un mois, une semaine, un jour presque, sans qu’un nouveau tableau attribué à Goya ne fasse surface.

Souvent fantaisistes, rares sont les attributions qui s’accompagnent d’une publication scientifique.  L’estimable revue Goya éditée par la Fondation Lazaro Galdiano s’est pourtant faite l’écho d’une de ces  propositions dans son numéro de juillet-septembre 2011 (n° 336 / p. 242-253).

Le tableau considéré est un double portrait d’un tapir fourmilier (actif et au repos) arrivé à Madrid en 1776 et présenté au roi Charles III le 4 juillet de cette même année. Sans doute intéressé par cette insolite mamifère (il s’agissait d’une femelle), le souverain en ordonna le transfert au Buen Retiro et commanda à son premier peintre, Anton Rafael Mengs d’en réaliser le « portrait ». Celui-ci -c’est là tout ce que nous savons- sous traita cette tâche à l’un de ces aides.

Partant de ces faits, la thèse de l’auteur, Javier Jordan de Urries y de la Colina, voudrait reconnaître la main de Fransico de Goya dans cette exotique peinture. La démonstration se fonde principalmement sur deux éléments : les comparaisons de détails avec la première série de cartons de tapisseries réalisée par Goya en 1775-1776 et le fait que les autres artistes mentionnés autour de Mengs étaient trop occupés pour avoir trouvé le temps de se charger de pareille commande.

Le lecteur se fera son avis, mais disons-le d’emblée, les rapprochements de détails ne convainquent pas et il est du reste difficile de prendre pour référence les cartons de tapisseries qui furent exécutés sous la conduite de Goya et présentent des disparités importantes entre eux que l’on impute généralement à leur état de conservation contrasté (même si en effet la première série est une des plus « sûres »).

Par ailleurs, le raisonnement par éliminations qui consiste à prouver que Goya était le plus disponible des peintres n’est pas sans faille. N’importe qui aurait pu se saisir d’un pinceau et en quelques semaines réaliser cette oeuvre documentaire.

L’article en somme nous apprend sans doute plus de choses sur les tapirs fourmiliers que sur Goya. Son auteur reste à identifier il nous semble…

Anonyme espagnol, Tamanoir (ou tapir fourmilier), 1776, toile, 105 x 209 cm, Madrid, Museo Nacional de Ciencias Naturales.

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